Myélopathies cervicales

, par  Christophe Nuti, François Vassal, Jacques Brunon , popularité : 4%
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*7- Les complications du traitement chirurgical (voir : 9, 32, 49)

La chirurgie du rachis cervical dégénératif est actuellement bien maîtrisée par les chirurgiens spécialisés (12).
Les complications générales, communes à tous les gestes chirurgicaux, sont rares, de l’ordre de 1%. Cette chirurgie ne doit pas être redoutée quel que soit l’âge du patient dès que le handicap fonctionnel la justifie. Il y a peu de contre-indications.
Des complications spécifiques, en relation avec la voie antérieure peuvent être parfois observées, elles sont directement liées à l’expérience du chirurgien. La plus classique et la plus fréquente est la paralysie récurrentielle qui peut s’observer jusque dans 0,2 à 16,7% des cas (30, 90), surtout lors des abords du rachis cervical bas (C6/C7 et C7/D1) par voie droite. Elle est prévenue en limitant au maximum l’écartement de l’axe trachéo-oesophagien, ou en utilisant systématiquement la voie gauche qui est toutefois moins aisée pour un chirurgien droitier. Elle est habituellement réversible. Des traumatismes pharyngés ou oesophagiens peuvent se voir mais sont exceptionnels, estimés entre 0,02 et 1,49% (21). Les traumatismes des gros vaisseaux sont très rarement observés (9). La survenue d’un hématome post-opératoire est relatée dans 1 à 11% des cas dans certaines observations (30). Cette complication se présente sous forme d’une masse cervicale, est responsable d’une dysphagie et expose au risque de détresse respiratoire.
On peut observer des aggravations neurologiques quelle que soit la voie d’abord. Une complication fréquente des décompressions étendues (mais peu souvent signalée dans les publications et les compte rendus d’hospitalisation) est la parésie de la 5e et/ou de la 6e racine cervicale qui s’observerait dans 1 à 15% des cas (29, 92). Son mécanisme physiologique n’est pas clair. Il est possible qu’intervienne l’installation du malade sur la table d’opération, une lésion de l’artère radiculaire, mais aussi une fragilité particulière de cette racine qui serait étirée lorsque la moelle se déplace après la décompression (92). Elle est habituellement régressive. Les aggravations de la sémiologie clinique s’observent dans 0,2 à 5% des cas selon les séries (29, 30). Elles sont le fait d’un traumatisme médullaire qui peut se produire lors de l’installation du patient (tête trop fléchie pour les abords postérieurs par exemple) ou lors de la réalisation de la résection osseuse qui impose d’introduire des instruments fins (curettes, rongeurs ou fraises mécanique...) dans un canal rachidien très rétréci. Des phénomènes vasculaires peuvent être parfois à l’origine de ce type de complication. Le geste probablement le plus dangereux est la résection des calcifications ostéo-discales, incluses dans la face antérieure de la dure mère qu’il vaut mieux ne pas chercher à enlever à tout prix, limitant alors le geste à la décompression.
L’évolution de ce type de complication est imprévisible et dépend de la sévérité du syndrome neurologique constaté au réveil. Certaines tétraplégies peuvent être définitives.
Les complications mécaniques liées au geste chirurgical sont les plus importantes à connaître car elles doivent faire adapter la technique à la sémiologie et aux lésions rachidiennes :
- Les greffons intersomatiques peuvent se déplacer dans environ 2% des cas (30). C’est souvent la conséquence d’une mauvaise configuration des autogreffes ou d’un choix inapproprié des substituts osseux. Certains chirurgiens conseillent le port d’un collier cervical pendant plusieurs semaines. Il n’est cependant pas démontré que ceci diminue la fréquence de cet incident.
- Des déplacements du matériel d’ostéosynthèse utilisé en complément d’un abord antérieur peuvent s’observer, ce qui peut entraîner une déstabilisation rachidienne et/ou une plaie de la partie postérieure de l’œsophage. Difficile à estimer précisément, la fréquence de cette complication est néanmoins exceptionnelle, notamment du fait de l’emploi généralisé de systèmes incluant un verrouillage des vis. De plus, le profil des vis a été amélioré, au point que tout ″débricolage″ est devenu très rare ou la conséquence d’une faute technique.
- Des douleurs séquellaires au niveau du site de prélèvement des greffons sont observés dans plus de 20% des cas. Ce chiffre relativement élevé incite beaucoup de chirurgiens à ne pas utiliser d’autogreffes dans le cadre de la pathologie dégénérative, même s’il s’agit et de loin du meilleur greffon (83).
- Une cyphose post-opératoire est fréquemment observée, tant après un abord antérieur que postérieur. La réalisation d’une greffe et/ou d’une ostéosynthèse diminue ce risque (87) mais ne le supprime pas tout en alourdissant les gestes opératoires. Cette cyphose parait plus en relation avec l’insuffisance des muscles de la nuque (73) qui doivent bénéficier d’une kinésithérapie post-opératoire qu’avec l’étendue de la décompression. Le port prolongé d’un collier pourrait favoriser l’atrophie des muscles paravertébraux et augmenter le risque de cyphose. Enfin, le respect des uncus lors des voies antérieures et de la moitié des articulaires lors des voies postérieures diminue la fréquence de ces complications. Il a été montré qu’une greffe intersomatique n’était pas indispensable après une somatotomie médiane (91), ce qui diminue le risque de complication et le coût de l’intervention. Les laminoplasties, pour beaucoup d’auteurs (89), diminueraient le risque de cyphose par rapport aux laminectomies, ce qui n’est pas démontré dans la métanalyse effectuée par Ratliff et Cooper en 2003 (70).
- Après une laminectomie, il se constitue une cicatrice scléreuse (membrane post-laminectomie) qui pourrait être à l’origine de la dégradation tardive du résultat post-opératoire (70). Il s’agit d’une raison qui a contribué au développement des laminoplasties. En fait, le rôle pathogène de cette cicatrice fibreuse est discutable (48).
- La fusion d’un ou plusieurs segments cervicaux entraîne une dégénérescence précoce des étages adjacents qui pourrait être à l’origine d’une pathologie nouvelle chez 3% des patients chaque année et à 10 ans, 15 à 20% des patients pourraient être amenés à subir une nouvelle intervention (39). Dans notre expérience, ce chiffre est nettement moins élevé et il a été montré que si ces lésions sont fréquentes, elles sont le plus souvent asymptomatiques (47). Il n’est pas démontré à ce jour (faute de recul clinique suffisant) que l’usage de prothèses discales cervicales diminue ce risque de façon significative (10).
- Toute intervention sur le rachis cervical, (avec ou sans fusion) entraîne une limitation de l’amplitude des mouvements cervicaux. Celle-ci reste le plus souvent peu invalidante, bien compensée par les étages adjacents, ceci d’autant plus qu’il s’agit le plus souvent de patients âgés dont l’activité est diminuée et qui présentent des lésions dégénératives diffuses de l’ensemble du rachis.
Malgré la longue liste des complications potentielles qui chacune prise isolément (en dehors des douleurs séquellaires du site donneur) sont relativement exceptionnelles, il ne faut pas retarder le moment du traitement chirurgical chez un patient présentant des signes neurologiques, en relation avec une myélopathie cervicale.