Myélopathies cervicales

, par  Christophe Nuti, François Vassal, Jacques Brunon , popularité : 4%
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ETIOLOGIES

*1. Les sténoses constitutionnelles

Isolées ne donnent qu’exceptionnellement des myélopathies cervicales, en dehors de cas extrêmes représentés par des sténoses sévères comme au cours de l’achondroplasie. Le plus souvent elles ne constituent qu’un élément favorisant.

*2. La cervicarthrose

Les lésions dégénératives du rachis qui débutent de façon relativement précoces, dès l’âge de 20 ans, représentent l’étiologie principale des myélopathies cervicales (26). Elles paraissent favorisées par le nombre de sollicitations du rachis dans certaines professions, les traumatismes antérieurs (joueurs de rugby) et sont plus précoces et plus fréquentes chez les patients présentant des mouvements anormaux (torticolis spasmodique, maladie de Gilles de la Tourette, choréo-athétose…). On peut en rapprocher les décompensations des blocs cervicaux congénitaux qui entraînent une dégénérescence précoce des articulations adjacentes « surmenées ».
La lésion initiale intéresse le disque et correspond à une diminution de l’hydratation du nucléus pulposus, une augmentation du collagène, une diminution de la teneur en mucopolysaccharides et sulfate de chondroïtine. Sur le plan anatomique, il se produit des fissures au niveau de l’annulus dans lesquelles s’engagent des fragments du nucléus. On observe une perte de la hauteur discale. Ces modifications anatomiques altèrent les propriétés mécaniques du disque et sont à l’origine de sa dégénérescence (27, 79).
Les lésions intéressent successivement le disque (hernies discales « molles », discopathies dégénératives, hernies calcifiées « dures »), les articulations unco-vertébrales (uncarthrose), les articulations postérieures (arthrose interapophysaire). L’appareil ligamentaire (ligament longitudinal postérieur, ligament jaune) qui s’hypertrophie, perd ses propriétés mécaniques, s’épaissit et se calcifie. Toutes ces lésions, aggravées par une ostéophytose réactionnelle, réduisent les dimensions du canal rachidien cervical et sont d’autant plus pathogènes que ce canal est constitutionnellement étroit.
Les lésions peuvent parfois être limitées à un ou deux étages adjacents, au niveau des segments les plus mobiles du rachis cervical inférieur (C5/C6 et C6/C7), mais sont parfois étendues à la totalité du rachis cervical inférieur (C3 à C7).
Les lésions dégénératives peuvent aussi être à l’origine de troubles de la statique vertébrale (perte de la lordose physiologique, parfois cyphose ou plus rarement scoliose dégénérative), initiés par la perte de hauteur discale, d’instabilités chroniques, voire de spondylolisthésis dégénératifs par modification de l’orientation des surfaces articulaires. Lors des mouvements de flexion extension, les ligaments qui ont perdu leur élasticité, peuvent venir saillir dans la lumière du canal rachidien et participer à la souffrance médullaire (79).

*3. L’ossification du ligament longitudinal postérieur

Il s’agit d’une pathologie surtout observée en Extrême Orient et pourrait correspondre à une forme anatomique spécifique des lésions dégénératives du rachis cervical dans les populations asiatiques, ce qui suggère une hypothétique prédisposition génétique, confirmée par l’augmentation de la prévalence dans certaines familles et chez les vrais jumeaux (3).
Des lésions significatives du ligament longitudinal postérieur sont observées chez 11% des patients dans la 6e décade en Extrême Orient. L’affection a une incidence de 1,4%. Quelques cas ont été observés dans les populations d’origine caucasienne en Europe et aux Etats-Unis. La fréquence de cette affection paraît sous-estimée. L’ossification débute en général en arrière du corps de C5 et s’étend progressivement à tout le rachis cervical ; on oppose des formes localisées, discontinues ou continues.
Dans la population japonaise, l’obésité et l’intolérance au glucose favorisent de façon significative l’ossification du ligament longitudinal antérieur et postérieur (81).
L’évolution clinique est imprévisible : 80% des patients suivis sur une période de plus de 10 ans restent asymptomatiques malgré la présence de lésions anatomiques importantes, 20% vont présenter des signes neurologiques et devoir bénéficier d’un traitement chirurgical (55).
La pathogénie de cette affection demeure incertaine : il se produirait une ostéogenèse à partir du ligament hypertrophié et hypervascularisé lorsqu’il est « décollé » de la face postérieure de la vertèbre par les protrusions discales.

*4. Les formes post-traumatiques tardives

Elles sont à différencier des formes révélées par un traumatisme, et en relation avec des lésions méconnues ou mal traitées : pseudarthroses responsables d’instabilité chronique, cals vicieux réduisant le diamètre du canal rachidien cervical, discopathies post-traumatiques en général localisées au seul étage lésé.

*5. Autres étiologies

Les localisations cervicales de la polyarthrite rhumatoïde qui intéressent surtout le rachis cervical supérieur (luxation atloïdo-axoïdienne) et à un moindre degré le rachis cervical inférieur peuvent se révéler par un tableau clinique de myélopathie cervicale (62). On peut en rapprocher les rares complications neurologiques de la spondylarthrite ankylosante, de la goutte par formation de tophus à partir des articulations postérieures, de l’hyperostose vertébrale ankylosante (maladie de Forestier) ou de la maladie de Paget qui peuvent entraîner un rétrécissement du diamètre du canal cervical.
Des myélopathies ont été observées chez des patients dialysés au long cours en relation avec des calcifications épidurales (88).