Myélopathies cervicales

, par  Christophe Nuti, François Vassal, Jacques Brunon , popularité : 3%
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**2. Décompression médullaire par voie postérieure

Ce sont les interventions les plus anciennement pratiquées. Le patient est installé en décubitus ventral, tête légèrement fléchie, plus rarement en décubitus latéral ou en position assise. Le décubitus latéral permet un double abord antérieur et postérieur simultané. L’incision cutanée est tracée sur la ligne médiane et l’abord du rachis est effectué sur la ligne blanche, en séparant les muscles de la nuque qui sont refoulés latéralement.

2.1. La laminectomie (voir : 18)

C’est la plus ancienne technique réalisée. Dans un premier temps, les apophyses épineuses des vertèbres sont sectionnées à leur base, au ras de leur insertion sur les lames. La résection osseuse emporte "en bloc" toutes les épineuses sectionnées et le ligament inter-épineux. La laminectomie proprement dite est réalisée de proche en proche par morcellement des lames à l’aide de rongeurs fins, voire à la fraise mécanique. Elle est conduite aussi loin que possible latéralement, intéressant parfois la partie interne des massifs articulaires, dont les deux tiers externes doivent être impérativement respectés pour ne pas créer d’instabilité. Le ligament jaune est habituellement fragmenté en même temps que la résection osseuse. Ce temps doit être conduit avec la plus grande prudence compte tenu de l’étroitesse du canal rachidien et de la disparition de l’espace épidural postérieur provoquée par la maladie et aggravé par la position opératoire.
Une laminectomie, peut entraîner à long terme une cyphose. Cette dernière apparaît comme étant la conséquence de l’insuffisance des muscles de la nuque que de l’instabilité osseuse et ligamentaire induite par la chirurgie (73). Elle peut être prévenue par une rééducation précoce adaptée. Des reprises évolutives de la maladie sont parfois observées après une laminectomie et ont été attribuées à la constitution d’une fibrose épidurale compressive (membrane post-laminectomie) dont le rôle pathogène reste cependant discutable (48).

2.2. Interventions conservant l’arc postérieur

Pour prévenir la cyphose post-opératoire (89) et la constitution de la membrane post-laminectomie des variantes techniques sont possibles.

2.2.1. Les laminoplasties (voir : 41, 70)

Proposées dès 1970 par les neurochirurgiens japonais, elles sont de réalisation plus difficile et mais n’apparaissent pas plus dangereuses. Plusieurs variantes techniques ont été décrites. (i) La technique ″open door″ est la plus souvent réalisée. Elle consiste, après abord des deux gouttières para-vertébrales et respect des épineuses et du ligament inter-épineux, à sectionner les lames au ras de l’insertion des massifs articulaires à l’aide d’une fraise ou d’un rongeur fin du côté des lésions les plus importantes. sur toute la hauteur du rachis cervical inférieur. de C3 à C7 au moins pour dépasser la totalité des lésions, incluant si nécessaire C2 et les deux premières vertèbres thoraciques. En principe, le ligament jaune est respecté et l’instrument ne pénètre pas dans le canal rachidien, ce qui évite les traumatismes médullaires ou radiculaires. De l’autre côté, seule la corticale externe est fraisée de façon à en permettre la fracture. L’ensemble, constitué par les épineuses, le ligament inter-épineux et les lames est déplacé en arrière en effectuant une rotation (comme si l’on ouvrait une porte : ″open door laminoplasty″). Il est conseillé ″d’ouvrir la porte″ sur une distance au moins égale au diamètre du canal rachidien, c’est à dire au moins 12mm. Le bloc osseux ainsi déplacé en arrière est fixé à distance de l’étui dural par amarrage aux muscles paravertébraux ou mieux par interposition d’une cale (spacer) le plus souvent constituée d’un substitut osseux d’hydroxyapatite, d’autogreffe prélevée au niveau des épineuses, de supports biorésorbables en polymère d’acide lactique remplis d’os spongieux, voire d’allogreffes. Si le ligament jaune n’adhère pas aux lames et reste en place, il doit être secondairement réséqué (94). (ii) La technique de la ″double porte″, consiste à ouvrir le canal cervical sur la ligne médiane. A l’aide d’une fraise mécanique à très haute vitesse, il est pratiqué une section de l’épineuse et de la lame sur la ligne médiane jusqu’au contact du ligament jaune, et un amincissement de l’insertion des lames sur les articulaires. L’ouverture du canal rachidien est conduite en introduisant un écarteur entre chaque moitié de l’épineuse, comme on ouvre un portail à doubles vantaux. Il est conseillé d’interposer des cales de substitut osseux entre les deux moitiés des épineuses pour les maintenir écartées.

2.2.2. La laminectomie avec conservation des épineuses

Décrite par C. Gros (33) au niveau du rachis lombaire, elle consiste à n’aborder qu’une seule gouttière para vertébrale et par cette voie à sectionner les apophyses épineuses au ras de leur insertion sur les lames. L’ensemble constitué par les épineuses et le ligament inter-épineux est refoulé au delà de la ligne médiane ce qui expose les lames. La laminectomie est alors conduite de façon conventionnelle. Lors de la fermeture des masses musculaires, le ligament inter-épineux et les épineuses retrouvent naturellement leur place sur la ligne médiane.

2.2.3. La laminectomie ″alterne″ (skip laminectomy) (voir : 82, 84)

Elle n’intéresse qu’une lame sur deux : pour réaliser par exemple une décompression de C3 à C7, seules les lames de C4 et C6 sont réséquées et la décompression est assurée par résection de la face ventrale des lames adjacentes laissées en place. De plus, le ligament inter-pineux est respecté : les lames que l’on veut réséquer sont abordées par section de l’épineuse sur la ligne médiane à l’aide d’un micro-fraise rapide, chaque portion de l’épineuse est refoulée latéralement en conservant l’insertion des muscles supra-épineux.

2.3. Les ostéosynthèses postérieures

En raison du risque de cyphose, certains auteurs ont proposé la réalisation systématique d’une ostéosynhèse postérieure complémentaire. Celle-ci nous paraît devoir être réservée aux rares cas ou la décompression chirurgicale impose une résection des massifs articulaires et où il existe une instabilité préopératoire. La meilleure technique est l’ostéosynthèse par vissage des massifs articulaires associé à une greffe postéro-latérale.