Stimulation cérébrale profonde dans le traitement de la maladie de Parkinson

, par  Michel Lefranc , popularité : 4%

II. Historique : description princeps et évolutions actuelles

La stimulation cérébrale profonde (SCP) est intimement liée au traitement chirurgical de la maladie de Parkinson(8,7,25). Le traitement chirurgical des pathologies du mouvement a évolué continuellement tout au long du XXe siècle non seulement en raison des progrès techniques de la neurochirurgie stéréotaxique mais également en raison de la meilleure compréhension des symptômes, de la physiopathologie ainsi que par une redéfinition du rôle de la chirurgie dans l’histoire évolutive de la pathologie.

Dès le XIXe siècle, Horsley réalisait une résection partielle du cortex moteur pour traiter des mouvements athétosiques, Meyers était le premier neurochirurgien à réaliser une lésion en regard des ganglions de la base pour traiter ces mouvements anormaux. Cooper découvrait le rôle majeur du striatum dans l’organisation et la genèse de ces mouvements anormaux lors d’une chirurgie au cours de laquelle il créa une lésion de l’artère choroïdienne antérieure : l’amélioration de l’ensemble de la symptomatologie parkinsonienne découvert au cours de cette observation sera responsable du développement de la chirurgie des ganglions de la base. Avec la venue de la méthodologie stéréotaxique adaptée à l’homme, la détermination des coordonnées des ganglions de la base par rapport à des repères intra-crâniens (Spiegel et Wycis, Schaltenbrand et Talairach), de nombreuses cibles ont été utilisées pour traiter les mouvements anormaux : le pallidum interne (Globus pallidum internes - Gpi) fut utilisé par Spiegel et Wycis dès 1952, puis par Leksell, avec cependant avec un effet quasiment nul sur le tremblement parkinsonien. Hassler et al. reportaient l’excellente amélioration de tremblements dès 1954 par la réalisation d’une thalamotomie (partie ventro latérale initialement puis plus précisément avec l’expérience et surtout l’introduction de l’électrophysiologie per opératoire vers le noyau ventralis intermedius nucleus du thalamus (Vim).

La thalamotomie devenait alors la cible de choix avec une disparition des tremblements dans 85 à 90% des cas. Unique thérapie alors, cette chirurgie était extrêmement répandue et on estime à 37000 thalamotomies réalisées dans le monde jusque dans les années 70. Cependant, cette chirurgie présentait un risque de « reprise évolutive » estimé entre 4 et 20% et surtout présentait une morbidité non négligeable transitoire dans 25% des cas et permanente dans près de 10% des cas (dès lors que la taille de la lésion n’était pas totalement maîtrisée) à type de déficit moteur, dystonies, dysarthries, ou encore de déficits sensitifs. Enfin, si les procédures bilatérales étaient techniquement possibles, elles étaient quasiment systématiquement associées à des troubles cognitifs importants et à des troubles dysarthriques n’autorisant pas leur réalisation en pratique quotidienne. La venue de la L-dopa, véritable molécule miraculeuse pour les patients par son action sur l’ensemble de la symptomatologie parkinsonienne (tremblement, akinésie et rigidité), était responsable dans les années 70 de la quasi-disparition des techniques de lésions stéréotaxiques dans le traitement de la maladie de parkinson. Cependant, les inconvénients de la dopa thérapie après quelques années de traitement associant prises médicamenteuses multiples, effets secondaires variés associés à l’apparition des complications motrices (fluctuations, dyskinésies), justifièrent au début des années 80 à nouveau un recours à la chirurgie pour certains malades. Les exigences en termes de résultats et surtout d’innocuité étaient cependant accrues. La réalisation d’une exploration neurophysiologique per opératoire et une meilleure détermination de la cible étaient devenues la règle. Le but était de vérifier en per opératoire (par l’utilisation du micro-enregistrement et de la macro-stimulation) si le site de lésion visé ne se trouvait pas trop latéral en regard de la capsule interne, ni dans des structures thalamiques trop postérieures (VPL potentiellement source d’un syndrome de Déjerine-Roussy) ni dans des structures végétatives trop profondes. Le Pr Benabid rapporte la découverte fortuite lors de la réalisation d’une thalamotomie faite chez un patient porteur d’un tremblement essentiel, du blocage instantané et uniquement lors de la stimulation du tremblement lors de l’utilisation de la haute fréquence. L’idée de la stimulation haute fréquence était née. Lors des procédures suivantes, la stimulation haute fréquence était utilisée comme test thérapeutique pour valider la cible stéréotaxique. L’idée d’étendre cette application en un traitement fut introduite en 1987, lorsqu’un patient ayant déjà bénéficié d’une thalamotomie souhaitait un geste controlatéral. Afin d’éviter les risques d’effets indésirables cognitifs liés aux procédures bilatérales, la mise en place d’une électrode de stimulation chronique à haute fréquence dans le thalamus non opéré lui fut proposé dans le but d’utiliser le caractère immédiatement réversible à l’arrêt de la stimulation en cas d’apparition d’effet indésirables.

Depuis cette découverte et au cours de la dernière décennie, l’efficacité, la reproductibilité et la réversibilité des résultats des effets de la stimulation à haute fréquence a permis l’extension à d’autres cibles (Gpi), la découverte de nouvelles cibles (NST, Gpe, PPn) et l’utilisation dans de nombreuses pathologies du mouvement (dystonies, chorées, etc.), mais également d’autres indications tels que l’épilepsie, les algies vasculaire de la face ou encore les troubles obsessionnels compulsifs, syndromes dépressifs sévères etc.