Métastases cérébrales

, par  Philippe Meneï, Philippe Metellus, Rogatien Faguer, Sébastien Boissonneau , popularité : 6%

V. Acte chirurgical

*1. Matériel, équipement, dispositifs médicaux

1.1 L’environnement hospitalier

L’activité neurochirurgicale est encadrée par le code de la santé publique (Partie réglementaire VI, livre Ier, titre II, chapitre III). Le centre de neurochirurgie où l’intervention est réalisée doit posséder : « une unité d’hospitalisation, un bloc opératoire, une unité de réanimation, un plateau technique d’imagerie permettant de pratiquer des examens de neuroradiologie dans un bâtiment commun ou dans des bâtiments voisins. (Art. R.6123-.2) ». Le scanner et l’IRM doivent être accessibles à tout moment (Art. D.6124-.4). « Pour le traitement neurochirurgical des lésions cancéreuses, le titulaire de l’autorisation de pratiquer l’activité de soins de neurochirurgie doit être détenteur de l’autorisation mentionnée à l’article R-6122-25 18° du code de la santé publique (Art.R6123-.3) »

1.2 Le bloc opératoire

« Le bloc opératoire dispose d’au moins deux salles d’opérations, dont une salle réservée et équipée spécifiquement pour l’activité de soins de neurochirurgie, accessible en permanence et une autre salle éventuellement partagée (Art.R6124-.5) ». Le matériel nécessaire à la réalisation d’une exérèse d’une MC est tout d’abord le matériel classiquement disponible dans un bloc opératoire de neurochirurgie :
- Microscope opératoire,
- Neuronavigation
- Dissecteur ultrasonique
- Coagulation bipolaire
L’échographie per opératoire est un outil qui doit être disponible au bloc opératoire [25]. Elle apporte une imagerie en temps réel de la MC et permet en temps réel d’évaluer la profondeur de la lésion et ses rapports avec le parenchyme adjacent. Le scanner et l’IRM peropératoire sont actuellement en plein développement depuis la fin des années 90 [26]. L’avantage de l’IRM per opératoire est de fournir une information en temps réel sur la qualité de la résection [27]. La littérature rapporte un bénéfice dans la qualité de l’exérèse des gliomes [28, 29] mais son efficacité dans la qualité d’exérèse des MC reste à être démontrée.

*2. Préparation du malade

2.1 Avant le bloc opératoire

Les étapes de préparation du malade à une chirurgie d’exérèse d’une MC consistent bien sur en l’obtention d’un consentement éclairé du patient, en l’identification par un bracelet avec le nom et la date de naissance, en l’administration d’une prémédication par anxiolytique mais surtout en une préparation cutanée de la zone opératoire.
Cette préparation de l’opéré repose sur la conférence de consensus de « Gestion préopératoire du risque infectieux » mise à jour en octobre 2013 et disponible sur :
http://www.sf2h.net/publications-SF2H/SF2H_recommandations_gestion-preoperatoire-du-risque-infectieux_2013.pdf
Les recommandations applicables à la chirurgie des MC avant sont arrivée au bloc opératoire sont (Niveau de preuve) :
- « Il est recommandé de réaliser au moins une douche préopératoire (B3) »
- « Il est recommandé de réaliser un shampoing préopératoire lorsque le cuir chevelu est dans le champ opératoire (B3) »
- « Aucune recommandation » concernant « le moment de la douche (C3) », ou « le type de shampoing antiseptique ou non (C3) »

2.2 Au bloc opératoire

Les recommandations applicables à la chirurgie des MC au bloc opératoire sont (Niveau de preuve) :
- « Si la dépilation est réalisée, il est recommandé de privilégier la tonte » et ce avant la détersion
- « La phase de détersion qui se situe après le traitement des pilosités, immédiatement avant la désinfection ; « elle doit être suivie d’un rinçage abondant à l’eau stérile et d’un essuyage (C3) »
- « Il fortement recommandé de pratiquer une désinfection large du site opératoire (A1) avec un antiseptique en solution alcoolique (B3) sans qu’il n’est de recommandations entre la chlorhexidine et la povidone iodée(C2)
A noter « qu’aucune recommandation ne peut être émise concernant l’utilisation en routine des champs adhésifs imprégnés d’antiseptiques pour la prévention du risque infectieux »

*3. Installation du malade

La première étape préalable à l’installation et médicolégale est la réalisation de la check-list.
L’installation du malade doit être réalisée par ou en présence du neurochirurgien car elle conditionne la faisabilité même de l’intervention. Elle dépend évidemment de la localisation de la MC. Classiquement le décubitus dorsal est choisi en raison de sa facilité pour les MC supratentorielles frontales, insulaires ou temporales et pariétales hautes. Le décubitus ventral ou latéral « park bench » (telle la personne qui dort sur un banc public) est préférée pour les MC pariétales basses, occipitales et de la fosse postérieure. L’utilisation de position assise est encore controversée car elle augmente le risque d’embolie gazeuse[27]. Nous n’aborderons ici qu’un exemple de malade installé en décubitus dorsal pour l’exérèse d’une MC pariétale droite.
Le malade doit avoir l’ensemble du corps, hormis la tête et le cou, sur un support permettant la prévention des escarres. Les épaules doivent légèrement sortir de la table. Un billot doit être installé sous l’épaule du coté opéré afin de limiter la rotation de la tête par rapport au corps et ainsi diminuer la compression des veines jugulaires internes. La tête est fixée dans une têtière a pointe ou têtière de Mayfield®. La têtière doit avoir ses pointes pénétrant la corticale orthogonalement et la pression recommandée sur le crane est de 60 à 80 livres chez l’adulte.
http://www.integralife.com/index.aspx?redir=detailproduct&Product=253&ProductName=MAYFIELD%AE%20Infinity%20Skull%20Clamp&ProductLineName=MAYFIELD%AE%20Standard%20Skull%20Clamps%20and%20Headrests&ProductLineID=63&PA=neurosurgeon
Une pression trop importante ou un positionnement sur une zone trop mince comme l’écaille temporale peut aboutir à une fracture du crane voire à l’apparition d’un hématome extra dural [30]. Une fois la tête fixée on peut acquérir la neuronavigation si besoin.

*4. L’acte chirurgical

Les étapes de l’exérèse d’une MC sont composées de plusieurs temps qui sont retrouvés dans la majorité des interventions neurochirurgicales intracrâniennes : l’abord, l’exérèse, l’hémostase et la fermeture.

4.1 L’abord

Une fois le malade installé, le chirurgien repère à l’aide de repères anatomiques (suture coronale, ligne médiane,…) ou à l’aide de la neuronavigation la région du crâne ou il va devoir réaliser la craniotomie. La tonte s’effectue en regard de l’incision afin d’éviter la présence de cheveux dans la cicatrice. La détersion, le badigeon et éventuellement l’infiltration au sérum adrénaliné puis le champage sont réalisés.

L’incision

Le type d’incision est dépend des habitudes du chirurgien (linéaire, en fer à cheval) mais doit respecter la vascularisation ascendante du scalp (Fig.1).
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Figure 1 Installation en décubitus dorsal. Tête tournée vers la gauche. Tonte a minima en regard de l’incision en forme de fer a cheval. Flap cutané à charnière inférieure.

L’incision se fait en prenant soin de garder la lame toujours perpendiculaire au scalp. La lame de bistouri doit sectionner le tissu adipeux sous cutané mais respecter la galéa ou l’aponévrose du muscle temporal selon la localisation. Les berges de la cicatrices sont bordées par des compresses recouverte de Bétadine® maintenues par des agrafes de Michel ou par des clips de Leroy Raney. Le décollement du scalp se fait dans le plan fibreux avasculaire situé entre le tissu sous cutané et la galéa et l’on place ensuite les crochets de traction qui permettent au flap cutané de ne pas retomber dans le champ. Incision de la galéa que l’on récline sous le flap cutané afin d’exposer l’os. Cette galéa pourra, si besoin, servir de plastie durale en cas d’envahissement méningé par la MC.

La craniotomie

Sa taille et sa forme dépendent de la taille de la MC et de sa localisation mais respectent une règle basée sur la réalisation de trous de trépan réunis par un trait de scie réalisé au craniotome. Une fois les trous de trépan réalisés (Fig.2), on décolle la dure mère située sous le volet à l’aide du décolle dure-mère.
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Figure 2 Réalisation de 4 trous de trépans avoir ruginé la galéa.

Les trous de trépan sont alors reliés avec le craniotome en prenant soin d’exercer une légère traction vers l’extérieur afin de garder le sabot du craniotome au contact de la table interne et éviter ainsi toute pénétration durale pouvant provoquer une blessure cérébrale ou vasculaire d’éviter de passer dans l’espace sous-dural (Fig.3).
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Figure 3 Découpe du volet osseux et exposition de la dure-mère

En cas de MC parasagittale, il convient de bien repérer le sinus sagittal supérieur et si possible à l’aide de la neuronavigation afin d’éviter toute brèche sinusienne. Pour une MC de la fosse postérieure il n’est pas nécessaire de découvrir la ligne médiane. L’hémostase des berges osseuses est réalisée avec de la cire de Horsley. Pour les MC la craniectomie peut également être réalisée à os perdu à l’aide d’une fraise.

L’ouverture durale
La dure mère est préalablement suspendue avent d’être incisée à l’aide de point trans-osseux afin d’éviter la formation d’un hématome extradural avec un fil non résorbable de diamètre 3/0 (Fig.4)
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Figure 4 Suspension périphérique de la dure mère

La réalisation des trous osseux à la mèche se fait de l’extérieur vers l’intérieur et doit être prudente. L’utilisation d’une lame ou d’une spatule pour protéger la dure mère est une solution prudente, particulièrement pour les jeunes neurochirurgiens. L’ouverture de la dure mère se fait en soulevant légèrement la dure mère à l’aide d’un crochet ou d’une pince afin d’éviter toute plaie corticale avec le bistouri (Fig.5). L’ouverture peut se faire en croix, en T ou en U. La dure mère est ensuite tractée par des fils et si possible protégées de l’assèchement par des cotons humides.
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Figure 5 Ouverture de la dure mère

Si la dure mère apparaît très tendue et qu’il existe un œdème important autour de la MC, il convient de réaliser un traitement médical par bolus de corticoïdes peropératoire ou de mannitol afin d’éviter une hernie cérébrale au moment de l’incision durale. Si la chirurgie est réalisée en chirurgie éveillée, une anesthésie de la dure mère doit être réalisée avant l’incision.

4.2 L’exérèse

La MC peut être visible ou non une fois la dure mère ouverte. Il existe un piège assez fréquent qui est de penser qu’une MC qui apparaît corticale sur l’IRM soit visible une fois la dure mère ouverte. Il est fréquent que les MC corticale soient recouvertes d’un fin ruban de cortex la rendant impossible à repérer sans neuronavigation ou échographie per opératoire. L’ouverture de l’arachnoïde est réalisée à l’aide d’un bistouri avec une lame fine (N°11 ou N°15). La pince bipolaire est alors utilisé pour agrandir l’ouverture et réaliser la cortectomie. Le chirurgien cherche à avoir un contact avec la MC à l’aide de la pince bipolaire (Fig.6).
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Figure 6 Exposition de la MC après cortectomie et traction du flap de dure mère

La résection complète, et si possible en bloc[31], avec une marge de sécurité de 5 mm est recommandée dans l’exérèse des MC [11] car cela diminue le risque de récidive local. Pour cela il faut repérer le plan de clivage entre la MC et le parenchyme cérébral adjacent (Fig.7).
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Figure 7 Clivage de la MC du parenchyme cérébral à l’aide de la pince bipolaire

On coagule la surface de la MC et on réalise « le tour » de la MC en mettant des cotons chirurgicaux pour conserver ce plan de clivage (Fig.8) jusqu’au plan de clivage profond (Fig.9).
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Figure 8 Mise en place de cotons pour conserver le plan de clivage


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Figure 9 Clivage du plan profond de la MC

Une Fois la MC « séparée » du parenchyme cérébrale, elle peut être enlevée en monobloc (Fig.10) et envoyée au laboratoire d’anatomopathologie. Il faut alors vérifier que l’exérèse est macroscopiquement complète (Fig.11).
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Figure 10 Exérèse monobloc de la MC

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Figure 11 Vue de la cavité d’exérèse

Lorsque la MC est volumineuse ou située dans une zone motrice ou éloquente le morcellement ou l’utilisation du dissecteur ultrasonique s’avère nécessaire. Le risque de récidive local est d’ailleurs plus élevé en cas de MC de plus de 9,7 cm3[11]. En cas d’exérèse d’une MC située dans une zone fonctionnelle pour le langage ou la motricité une chirurgie éveillée avec une cartographie cérébrale peropératoire, permet de réaliser afin de limitant le risque de déficit postopératoire à la chirurgie[32].

4.3 L’hémostase et la fermeture

L’hémostase est un temps crucial en neurochirurgie afin de prévenir la formation d’un hématome du foyer opératoire.
Elle est réalisée à l’aide de la pince bipolaire et de feuilles de Surgicel® qui doivent théoriquement être retirées avant la fermeture durale (Fig12).
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Figure 12 Vue de la cavité d’exérèse tapissée de Surgicel ®

Une fois l’hémostase réalisée, la cavité de résection est remplie de sérum physiologique tiède. La fermeture durale est réalisée de manière étanche si possible à l’aide de points séparés ou d’un surjet de prolène (4/0) ou de soie (3/0). L’étanchéité peut être complétée à l’aide de colle biologique ou synthétique. Une suspension centrale est conseillée en cas de grand volet afin de limiter le risque d’hématome extradural. Le volet est repositionné et fixé à l’aide de fils ou de mini-plaque de titane. La fermeture cutanée se fait en 2 temps avec plan de sous-peau de vicryl (2/0) et des agrafes ou du fil non résorbable sur la peau. Un drain de redon est conseillé pour les grands scalps.

*5. Critères requis pour s’assurer de la réalisation effective de l’acte

L’ANOCEF recommande de réaliser une IRM postopératoire dans les 48 suivant l’exérèse de la MC afin de s’assurer du caractère complet de la résection ou à défaut d’un scanner cérébral sans et avec injection de produit de contraste. Cette imagerie postopératoire permet également de s’assurer d’absence de complications hémorragiques secondaires à l’intervention.