Annonce d’une tumeur cérébrale chez l’adulte

Spécificité de la neurochirurgie

La symbolique de l’atteinte du crâne (18).
« Avec sa situation au sommet de la tête, sa forme de coupole, sa fonction de centre spirituel, le crâne est souvent comparé au ciel du corps humain. Il est considéré comme le siège de la force vitale du corps et de l’esprit… En tranchant la tête du cadavre… en conservant le crâne par-devers lui… le Primitif a atteint plusieurs buts : d’abord celui de posséder le souvenir le plus direct, le plus personnel du défunt ; puis celui de s’approprier sa force vitale et ses effets bienfaisants pour le survivant. En accumulant les crânes, ce soutien spirituel prend de l’ampleur… » (18). Le symbole du crâne nous amène à nous demander si l’intervention chirurgicale, qui se caractérise par une ouverture du crâne dont la trace est le pansement, ne confronte pas les patients à la brièveté de la vie compte tenu de leur peur de perdre leur force vitale. Cet aspect met à nu les patients qui sont face à un trouble de la représentation de la maladie. Aussi, suivant le niveau de récupération physique et/ou mentale, suite à l’intervention chirurgicale, les patients peuvent redouter l’inefficacité des soins voire l’absence de soins complémentaires si leur état de santé ne le permet pas. Dans tous les cas, ils se rendent à la consultation médicale d’annonce, démunis.

Dans le cadre des tumeurs cérébrales, la gravité de la maladie et le pronostic souvent péjoratif à court terme constituent des éléments supplémentaires à considérer dans l’annonce du diagnostic. Dans ce contexte, le contenu des informations et la manière de les divulguer demeurent un défi pour le neurochirurgien (42). En effet, malgré des avancées certaines dans la compréhension de l’oncogenèse des tumeurs cérébrales primitives (50,51,62), leur pronostic reste défavorable. Le glioblastome est la tumeur cérébrale primitive la plus fréquente chez l’adulte (51,62). Malgré le gain de survie apporté par le protocole proposé par Stupp et al. en 2005 (58), le pronostic de survie des patients atteints de glioblastome demeure toujours sombre et rapidement fatal, avec une médiane de survie aux alentours de 15 mois (57). Récemment, une étude prospective réalisée auprès de patients atteints d’une tumeur cérébrale de haut grade, et analysant le processus de l’annonce diagnostique, a montré que les informations sur le diagnostic et les traitements associés sont généralement pleinement communiquées aux patients (42). Par contre, cette étude a montré que les éléments concernant le pronostic n’étaient que rarement abordés, laissant finalement de nombreuses questions sans réponses dans l’esprit des patients et de leur entourage. Dans ces situations particulières, de maladies incurables et rapidement évolutives, que représentent les tumeurs cérébrales malignes, l’information « loyale, claire et appropriée » reste difficile à apporter aux patients. Il s’agit vraisemblablement d’un mensonge par omission qui est l’un des mécanismes de défense du médecin face à l’annonce du diagnostic (53). Une autre particularité des tumeurs cérébrales par rapport aux autres localisations cancéreuses, est l’atteinte neurologique directement engendrée. Un déficit neurologique localisé (55) ou des troubles cognitifs (33) vont avoir une répercussion directe sur la qualité de vie et la dépendance de ces patients. De plus, la localisation cérébrale de la tumeur génère en soi une anxiété plus importante chez la plupart des patients (25). Enfin, il semble que les patients atteints de tumeurs cérébrales soient préférentiellement sujets à développer une dépression après l’annonce de leur maladie (61). L’atteinte neurologique a donc une implication toute particulière sur la prise en charge globale de ces patients. Ainsi, la place des familles est primordiale dans le suivi des patients atteints de tumeurs cérébrales (55), autant que la nécessité de les aider à organiser leur fin de vie.