Douleur chronique.

, par  Benjamin Pommier, Andrei Brinzeu, François Vassal , Marc SINDOU , popularité : 9%

III. Histoire naturelle

A l’exception des douleurs psychogènes, les douleurs chroniques peuvent être scindées en douleurs par excès de nociception d’une part, et douleurs neuropathiques d’autre part.

La douleur aiguë par excès de nociception correspond à la forme physiologique de la douleur.Elle fait suite à une lésion tissulaire et consiste en un“signal d’alarme” initialement dédié à la défense de l’organisme. Lorsque le signal nociceptif perdure, des phénomènes de sensibilisation(détaillés par la suite)vont conduire à renforcer la sensation douloureuse voire à l’autonomiser. Cette douleur accrue en intensité associée à des éléments prédisposant tels que l’histoire de l’individu, l’état psychologique et lecontexte de survenue vont faciliterle passage vers la douleur chronique. La douleur dans sa phase aigue peut être traitée par des antalgiques conventionnels mais répond par la suite beaucoup moins bien à ces mêmes traitements. Il convient donc de dépister les situations à risque de chronicisation et de mettre tout en œuvre pour limiter les phénomènes de sensibilisation : traitements antalgiques de palier adapté, antagonistes des récepteurs NMDA, utilisation du protoxyde d’azote.

Les douleurs neuropathiques font, elles, suite à une lésion du système somato-sensoriel, notamment sur son versant spino-thalamique. Elles peuvent survenir de façon immédiate mais sont la plupart du temps différées, et résultent de multiples phénomènes physiopathologiques. Elles sont régulièrement intenses, fonctionnellement invalidantes et réfractaires aux traitements antalgiques conventionnels, imposant l’usage d’autres molécules, ou le recours à la neurochirurgie fonctionnelle.

Cette dichotomie entre douleurs par excès de nociception et douleurs neuropathiques reste théorique et ces deux types de douleurs peuvent être retrouvés de façon conjointe, notamment dans le cadre de la pathologie cancéreuse. Elles nécessitent donc une rigueur toute particulière dans l’évaluation clinique et paraclinique des patients pour permettre une optimisation des thérapeutiques et la limitation des douleurs chroniques.

Des facteurs traumatiques (physiques et psychologiques) semblent favoriser le développement de douleurs chroniques. C’est notamment le cas des naissances prématurées, du faible poids de naissance, ou encore de traumatismes tels qu’un accident de voiture dans l’enfance(64).

IV. Épidémiologie

Les douleurs chroniques sont fréquentes.Les études épidémiologiques ont permis de montrer qu’une personne sur deux expérimentait un épisode de douleur par mois, majoritairement au niveau du rachis (lombaire et cervical),de l’épaule et de la hanche(64).

Deux études de grande ampleur, à l’échelle européenne(15)et française(13)ont permis la mise en évidence d’une prévalence de la douleur chronique (plus de6 mois) de 19% dans la population générale. Il semblerait que la prévalence soit maximale aux alentours de 70 ans. Toutefois, les douleurs de membres semblent augmenter et celles du rachis diminuer avec l’âge(64).

Concernant les douleurs neuropathiques, une étude française a permis la mise en évidence d’une prévalence estimée à 6,9%, dont 5,1%de douleurs modérées à sévères(13). Il a été montré que ces douleurs survenaient majoritairement chez les patients exerçant une profession manuelle et vivant en région rurale. Ces douleurs étaient majoritairement situées dans les membres inférieurs et étaient plus intenses que les douleurs sans caractéristique neuropathique.