Gliomes diffus de bas grade

, par  Hugues DUFFAU , popularité : 4%
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** Considérations fonctionnelles

Une méta-analyse récente a montré qu’au delà du fait que l’utilisation des techniques de cartographie par stimulation électrique per-chirurgicale augmentait significativement le pourcentage de patients avec une résection totale ou subtotale, elles diminuaient significativement le taux de déficits postopératoires permanents (17). En ce sens, la chirurgie éveillée est une procédure bien tolérée (voir le Chapitre par Zemmoura et Duffau pour les aspects techniques), qui permet (i) d’étendre les indications opératoires en zones "éloquentes" (3) (ii) d’identifier les structures corticales et sous-corticales cruciales pour la fonction, notamment concernant les fonctions sensorimotrices, langagières, visuo-spatiales, cognitives ainsi qu’émotionnelles (iii) de réduire le risque de séquelles neurologiques permanentes à moins de 2% (29,63) (iv) d’effectuer des résections selon des limites fonctionnelles, sans marge (et non plus selon des limites purement anatomiques ou "oncologiques"), ce qui les optimise (14) (v) et de majorer la survie globale (23). En effet, une étude récente a montré que l’utilisation d’une cartographie fonctionnelle en condition éveillée chez les patients à haut risque du fait de GDBG localisés en régions éloquentes avait permis d’augmenter très significativement la survie à long-terme via une majoration de l’étendue de l’exérèse (11). Par ailleurs, la chirurgie éveillée en régions "non-fonctionnelles" peut déboucher sur une résection "supra-totale" - à savoir, d’enlever une marge de sécurité autour de l’hypersignal FLAIR visible sur l’IRM, car infiltré par des cellules tumorales dans un rayon de 1 à 2 cm (54), avec un impact très significatif sur la transformation maligne (77). Lorsqu’une exérèse totale n’est pas réalisable pour des raisons fonctionnelles, une ou plusieurs ré-interventions peuvent être envisagées, avec un impact sur la survie globale tout en préservant les fonctions cérébrales (8,50).
Effectivement, la chirurgie éveillée a également permis d’effectuer une ou plusieurs ré-opérations avec préservation fonctionnelle et amélioration de l’étendue de la résection, y compris en zones éloquentes, grâce aux mécanismes de plasticité cérébrale (20) (Figure 2).
Figure 2 : Résection de GDBG infiltrant la région operculaire gauche ("aire de Broca") avec envahissement de l’insula.

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A : Séquences FLAIR axiale (gauche) et T2 coronale (droite) démontrant une image typique d’un GDBG operculo-insulaire gauche chez une patiente droitière de 35 ans ayant présenté un crise d’épilepsie inaugurale. L’examen neurologique pré-opératoire était normal, mais le bilan neuropsychologique objectivait des troubles de mémoire de travail verbale.
B : Photographies per-opératoires avant (gauche) et après (droite) résection chirurgicale effectuée selon des limites fonctionnelles corticales et sous-corticales per-opératoire chez une patiente éveillée. Les lettres symbolisent les délimitations tumorales repérées grâce à un système d’échographie per-opératoire. Les chiffres correspondent aux aires "éloquentes" comme suit :
- sites corticaux : 1 et 3 (suspension du langage au niveau du cortex prémoteur ventral) ; 2 : aire motrice primaire de la face ; 4 : zone d’anomie (partie postérieure du gyrus temporal supérieur) ;
- sites sous-corticaux : 48 : anarthrie, générée par la stimulation de la partie antérieure du faisceau longitudinal supérieur latéral (se terminant au niveau du cortex prémoteur ventral) ; 49, 46, 47 : paraphasies sémantiques, induites par la stimulation du faisceau fronto-occipital inférieur (portion cheminant dans l’isthme temporal et dans le lobe frontal, se terminant au niveau du cortex dorso-latéral préfrontal) ; 50 : réseau "moteur négatif" à l’origine d’une interruption du mouvement lors de la stimulation, et se jetant dans le bras antérieur de la capsule interne ; 12 : persévérations, générées par la stimulation de la tête du noyau caudé.
C : Séquences FLAIR axiale (gauche) et T2 coronale (droite) sur une IRM post-opératoire précoce (réalisée 6 heures après l’intervention chirurgicale), démontrant une résection remnologiquement complète. Le diagnostic de gliome de grade II OMS a été histologiquement confirmé. Après une aggravation langagière transitoire ayant nécessité une rééducation orthophonique de quelques semaines à domicile, la patiente a repris une vie sociale et professionnelle normale - avec amélioration du bilan neuropsychologique effectuée 3 mois après la chirurgie en comparaison par rapport au bilan pré-opératoire. Aucun traitement oncologique adjuvant n’a été réalisé, mais une surveillance clinique et IRM régulière a été instaurée.


Qui plus est, les exérèses larges, surtout si complètes sur l’imagerie, améliorent le contrôle de l’épilepsie dans approximativement 80% des cas, en particulier chez des patients avec une épilepsie pré-opératoire prolongée et dans le cas de gliomes insulaires (33). Enfin, moyennant une rééducation fonctionnelle et cognitive individualisée dans la phase postopératoire précoce, des améliorations neuropsychologiques ont même été démontré dans 30% des patients à la suite de résections - notamment concernant la mémoire de travail (73). Insistons sur le fait qu’un essai randomisé récent a démontré que la rééducation cognitive avait un impact favorable sur les plaintes cognitives à court et long-termes ainsi que sur la fatigue mentale chez les patients porteurs de gliomes (31).
En résumé, la chirurgie précoce et la plus radicale que possible se doit d’être envisagée en première intention dans les GDBG, car permettant un impact favorable à la fois sur la survie et la qualité de vie.

* 4. Chimiothérapie

L’utilité de la chimiothérapie chez les patients opérés et irradiés a été bien établie, en particulier pour les oligodendrogliomes. L’association Procarbazine, CCNU et Vincristine (PCV) ainsi que le Témozolomide ont débouché sur un taux et une durée de réponses objectivées sur l’imagerie relativement similaires, à savoir respectivement de 45-62% et 10-24 mois - avec toutefois une toxicité moindre et une meilleure tolérance sous Témozolomide (58) De plus, un bénéfice fonctionnel, en particulier du fait d’un impact favorable sur les crises d’épilepsie, est fréquemment observé, non seulement chez les patients avec une régression radiologique significative mais également lors de stabilisation de la tumeur sous chimiothérapie.
La chimiothérapie par PCV ou Témozolomide a également été administrée en post-opératoire avant toute radiothérapie, notamment chez les patients avec une résection partielle, une épilepsie rebelle et/ou une progression rapide sur les imageries de contrôle. Une majorité de patients ont été qualifiés de « répondeurs » avec la plupart du temps une stabilisation voire une régression volumique, même si le plus souvent partielle. Cet impact peut être retardé jusqu’à 24-30 mois et peut persister malgré l’arrêt de la chimiothérapie (59). Même si les chances de réponses sont plus importantes pour les tumeurs oligodendrogliales, elles restent non négligeables pour les tumeurs astrocytaires ou mixtes. La plupart des patients avec une épilepsie pharmaco-résistante peuvent bénéficier d’un diminution de la fréquence et intensité des crises, y compris en l’absence de régression volumique sur l’IRM. 
Ré-insistons sur le fait que les critères radiologiques classiques de MacDonald ne sont pas adaptés pour la surveillance des patients traités pour GDBG, tout particulièrement en l’absence de prise de contraste, et les calculs des cinétiques évolutives devraient être dorénavant effectués sur la base des séquences IRM T2/FLAIR, après mensuration volumique (55).
Une chimiothérapie néo-adjuvante peut également être effectuée en première intention dans les tumeurs non opérables en raison d’une infiltration trop massive des zones fonctionnelles. Cette chimiothérapie peut permettre une régression de l’infiltration et ouvrir la porte à une chirurgie d’exérèse seconde, tout en préservant la qualité de vie (5). Même si l’impact de la délétion 1p19q sur le taux de réponse à la chimiothérapie reste sujet à controverses, la durée de réponse semblerait plus longue en cas de co-délétion.
De plus faibles doses de Témozolomide mais administrées quotidiennement 3 semaines sur 4 pourraient offrir un avantage par rapport aux doses habituelles données 5 jours par mois, particulièrement dans les gliomes non méthylés, au prix toutefois d’une possible majoration de la toxicité.
La qualité de vie ne semblerait globalement pas altérée par la prise de Témozolomide au cours des mois voire des années (5).