Ethique et Neurochirurgie

, par  Manuel LOPES , popularité : 3%

SPECIFICITES NEUROCHIRUGICALES ?

**LA NEUROCHIRURGIE PREVENTIVE :

Neuroimagerie et dépistage : prenons l’exemple d’une phacomatose familiale, ou encore d’une cavernomatose familiale, maladies génétiques, par définition incurables, mais que l’on sait dépister. Une des techniques, outre la preuve génétique, est la place de la neuroradiologie. Un examen indolore pour le patient, et qui permet de statuer sur sa maladie potentielle, mais surtout sur son sort !
L’information a une place capitale, mais elle a plus pour objectif de responsabiliser le patient en connaissance de cause, plutôt que d’obtenir un quelconque consentement nécessaire à l’enrichissement de nos bases de données. Il faut sans cesse penser à la balance du risque / bénéfice. C’est pourquoi l’information doit être la plus objective possible, sans négliger le droit du patient à ne pas vouloir savoir.
En effet, ce dépistage peut être assimilé à une épée de Damoclès, en mettant en exergue une lésion incurable et potentiellement menaçante sur le plan vital. De fait, un patient en bonne santé apparente, se voit condamné avec toutes les répercussions qui s’ensuivent.
Dans ces cas particuliers, l’information doit être progressive, de qualité, aidée d’intervenants spécialisés, mais capitale au maintien de la confiance.

Traitement préventif : le cas classique, est celui de l’anévrisme cérébral de découverte fortuite. Si l’anévrisme est à haut risque de saignement, il justifierait un traitement. Ce traitement est parfois indiqué à titre préventif des lors qu’aucune manifestation clinique ni radiologique ne soit rapportée (découverte fortuite). Quid des anévrismes de petite taille ? Quid des anévrismes multiples (10 à 20% des cas) ?
L’importance de l’histoire naturelle n’est pas à démontrer, mais là encore, l’information du patient doit primer. Les ruptures d’anévrisme au volant de sa voiture sont peut-être rarissimes, mais nul ne peut ignorer cette hypothèse. Faut-il au nom du bien public interdire la conduite automobile à une personne porteuse d’un petit anévrisme en cours de surveillance ? Faut-il interdire à cette personne d’exercer son métier dès lors qu’il interfère avec la vie des autres (chauffeur de bus, chirurgien…) ?
Un autre cas de figure, est le traitement chirurgical des gliomes de bas grade (10). Il s’agit d’une tumeur bénigne pour laquelle l’histoire naturelle de la maladie commence seulement à se préciser, mais étant considérée pendant très longtemps comme une maladie non évolutive. Ainsi, suivant l’appartenance neurochirurgicale à une école attentiste, ou bien à une école thérapeutique, le même patient n’avait pas la même prise en charge, jusqu’au développement de neurochirurgie éveillée début des années 2000 qui a incité certains collègues neurochirurgiens à la réalisation d’exérèses tumorales extensives… Devant une telle disparité dans la prise en charge du patient pour une même pathologie, l’on peut s’interroger sur la notion de perte de chance du patient. Qui a raison ? Qui a tort ? Même si nombreuses études ont tendance à démontrer que la maladie est évolutive aussi bien en volume, mais qu’il existe également un potentiel de transformation maligne, faut-il pou autant inciter à des exérèses tumorales extensives au risque de générer des dégradations sur le plan psychologique et/ou cognitif ?
Certes, la technicité ayant évolué, nous pouvons pratiquer des exérèses tumorales dans les zones dites fonctionnelles, mais au moindre accident ischémique lié à l’aléas, les séquelles seront définitives : sommes nous en droit de faire courir ce risque au patient qui est porteur d’une tumeur mais totalement asymptomatique dans la majorité des cas ?

La prévention va systématiquement mettre en balance la liberté individuelle et sa responsabilité, mais aussi le bien être individuel et celui de la société, car elle objective un gain collectif, au détriment d’un stress individuel, puisque par définition probabiliste.
Mais la prévention doit surtout être équitable : il s’agit de proposer à tous les sujets à risque la même démarche : doit-on faire un dépistage chez toutes les personnes proches d’un patient porteur d’un anévrisme, puisque l’origine la plus fréquente est idiopathique, mais que l’on ne peut formellement éliminer de rares cas familiaux ?
Qui va alors supporter les couts générés par cette démarche non pas scientifique mais basée sur la crainte du risque zéro, c’est à dire en application du principe de précaution ?
Ainsi donc, ne pas confondre préventif et manque de rigueur dans la démarche de prévention.